Histoire de Mirecourt

Histoire de Mirecourt
Jean-Paul Rothiot

L'Origine du nom « Mirecourt »


La première mention certaine de Mirecourt concerne une confirmation de donation de terres par un acte d'Otton 1er en 960 : « Urso dedit praedium in Murici Curte ». S'ensuit une nouvelle confirmation dans les mêmes termes dès le 2 juin 965. Dans toutes les dénominations de la localité, on retrouve toujours les suffixes « court », « curia » qui dérivent du latin « curtis », signifiant « cour ». Il désigne sous le bas empire romain (III-Ve siècles) une exploitation agricole et ses dépendances. Quant au préfixe, il correspond la plupart du temps au nom du propriétaire de la curtis. Les formes Moricurtis, Morucocurte et Modoricicurte sont les plus anciennes et éclairent sur la signification du préfixe. C'est sans doute le nom germanique Moricho. Ainsi, Mirecourt serait au Xe siècle une petite entité agricole, ou plus vraisemblablement deux ou trois exploitations disséminées sur le territoire actuel de la ville, qui finissent par se concentrer autour d'un point central, correspondant aujourd'hui au faubourg Saint-Vincent, embryon de la ville actuelle . Une petite chapelle romane est construite au XIe siècle, le village dépendant alors de Vroville.


Sceau impérial
Otton 1er, sur un acte daté de 968




Chapelle de la Oultre
Carte postale, non datée © collection particulière
C'est le plus ancien bâtiment de la ville, un modeste sanctuaire roman, constuit au XIe siècle. La chapelle dépendait de l'église-mère de Vroville et fut la seule église de Mirecourt jusqu'à la construction de l'église Notre-Dame au XIVe siècle.

 

Mirecourt médiéval


La ville se développe dès le Xe siècle sur la rive gauche du Madon qui est maîtrisé (traces archéologiques de poteaux). Un château et un bourg castral sont élevés au XIIe siècle. Le château se situait à l'extrémité sud de la rue haute alors que les remparts entouraient une petite ville, du canal jusqu'au delà des halles, avec un plan presque quadrangulaire ; les fouilles réalisées en 2002 indiquent clairement un tracé formant un angle droit dans la ville basse . La porte au nord de la ville deviendra la tour de l'horloge lorsque les remparts seront déplacés. Des activités artisanales existent dans ce bourg. Les remparts sont consolidés à la fin du XIIIe siècle. Mirecourt, chef lieu de prévôté au moins depuis 1165, a d'abord comme seigneur le comte de Toul qui accorde en 1234 une charte aux bourgeois de la ville, puis elle passe progressivement sous la domination du duc de Lorraine .

Mirecourt est agrandie au XIVe siècle, au moment de la Guerre de Cent ans, avec de nouveaux remparts vers le nord, le long du canal ; des tours sont construites plus tard. Elle devient une ville avec un marché, des halles, des fours, une église et un atelier monétaire. Elle englobe la nouvelle église, abrite dans la rue basse de nouveaux quartiers artisanaux, tanneries, atelier de poterie, verre, forge… et dans la rue haute des maisons de marchands et de notables. Sa superficie passe de deux hectares à six, et ne changera plus jusqu'à la fin du XVIIe siècle. A l'extérieur des remparts, trois faubourgs restent modestes, dont celui du Pont, de l'autre côté du Madon. Le statut de Mirecourt change, elle devient chef-lieu du bailliage de Vosges à la fin du XIIIe siècle et un maire assisté d'échevins administre la ville.


Mirecourt vers 1500
Planche tirée de « Mirecourt, temps passés, temps présents »  ©  François Clasquin, 1909



Le canal et le moulin Saint-Etienne
Mirecourt, carte postale, vers 1950 © collection particulière


Le moulin Saint-Etienne resta propriété des chanoines de Toul jusqu'en 1625, date à laquelle il fut vendu au Duc de Lorraine et devint moulin banal/ Au fond le premier hôpital de Mirecourt, déjà mentionné dans les textes avant 1423. Tout cet ensemble a été démoli à la fin du XXe siècle.


L'église Notre-Dame
Mirecourt, vue d'avion, détail, carte postale (La pie, service aérien), non datée © collection particulière
L'église aurait été construite au XIVe siècle sur les bases d'une construction antérieure romane (XIIe - XIIIe siècles).
La charpente actuelle est datée des années 1470 par dendrochronologie.

Mirecourt à la Renaissance


La ville s'épanouit aux XVe et XVIe siècles avec la création du couvent des cordeliers, d'un hôpital dans la rue basse, du bel hôtel Renaissance d'Errard de Livron… Sa prospérité est due à l'importance de son artisanat (draperie, dentelle, métaux) et son commerce local avec les foires et, à longue distance, avec l'Italie et les Pays-Bas espagnols. Les marchands et les drapiers enrichis construisent de belles maisons aux cours munies d'escaliers et de galeries ornées de garde-corps superbes . La population augmente et passe de 396 conduits (feu, famille) en 1578 à 659 en 1622, environ 3000 habitants. Les nouvelles halles en pierre, achevée en 1617 sont bien le symbole de cette prospérité.

Le portail de l'hôtel d'Errard de Livron (chef des finances du duc Charles de Lorraine)
© Planche tirée de « Notice historique et biographique sur la ville de Mirecourt depuis son origine jusqu'en 1766 », Charles Laprévote, fac-similé, éd. Le livre d'histoire, 2005, p.57
Hôtel construit dans la seconde moitié du XVIe siècle, situé à Mirecourt, qui devient propriété du duc de Lorraine à partir de 1603. Siège du bailliage de Vosges. Propriété de la ville de Mirecourt depuis 1842, siège de l'hôtel de ville et du tribunal d'instance.




Les halles de Mirecourt
© J. D. Braconnier
Les anciennes halles détruites pendant le guerre contre Charles le Téméraire (XVe siècle) sont reconstruites, puis tombent en ruine à la fin du XVIe siècle Les halles actuelles sont terminées en 1617. Endommagées par la guerre de Trente ans, les halles sont réparées en 1664. La magnifique charpente
de cette époque. En 1857, l'escalier à double volée d'accès à l'étage est enrichi d'un balcon décoré d'entrelacs de pierre

Les destructions de la guerre de Trente ans


La guerre de Trente ans et celles menées par Louis XIV ruinent la ville ; la peste (1631-1633, 1636), les famines provoquent un effondrement de la population. On ne compte plus que 40 conduits en 1640. La ville est assiégée à plusieurs reprises et la faiblesse de ses remparts ne lui permet pas de résister. Ils sont rasés en 1670, la ville subit des occupations militaires, une administration française et la population reprend peu à peu : 262 conduits en 1667 (1200 habitants) .
 

Mirecourt au XVIIIe siècle


C'est seulement avec la paix de Ryswick et l'avènement du duc Léopold que la ville renaît et se reconstruit. Les façades de presque toutes les maisons sont refaites à la mode du XVIIIe siècle avec les fenêtres arrondies et délardées, les cours intérieures se parent d'escaliers rampe sur rampe, le faubourg de Poussay se construit avec de grande maisons somptueuses, l'hôpital voulu par l'abbé Germiny y est construit. Grâce à un fort essor démographique, et malgré des épidémies et des disettes, la population de la ville atteint 3000 habitants dès 1708 et 4700 en 1780. La prospérité économique se marque par grand nombre d'artisans (la moitié de la population active) : fileurs, tisserands, drapiers et dentellières, cordonniers, chapelier et tous les métiers du bâtiment, bouchers, boulangers et les métiers de bouches ; autour d'eux gravitent une centaine de manoeuvres ; laboureurs et vignerons peuplent les faubourgs ; au centre de la ville, les marchands et le gens de robe dominent la société ; les nobles et les ecclésiastiques sont peu nombreux. La lutherie devient au cours de ce siècle une activité majeure, le nombre de luthiers passe de 4 à plus d'une centaine, ils se spécialisent : facteurs d'archet, de serinettes et marchands.
L'influence de la Mirecourt est forte dans les villages environnant mais en 1751, le bailliage est fortement réduit en superficie.


Contrat d'apprentissage, Mirecourt, 1625
Archives départementales des Vosges - 5 E 2/476 © Jean-Jacques Pagès
Ce contrat est signé entre le Maître Dieudonné Montfort, faiseur de violon, bourgeois de Mirecourt, et Claude Georges, bourgeois de Mirecourt qui lui confie son fils Nicolas pour qu'il lui montre et lui apprenne le métier, " pendant le temps de deux années commençant à la Saint-Martin ".



Carte du bailliage de Vosges ou bailliage de Mirecourt, XIXe siècle
Archives départementales des Vosges – 2 Fi 2688 - Cliché D.  Chiaravalli
La carte montre la perte progressive du bailliage de Mirecourt entre 1581 et 1790. En rose, la limite en 1581, en vert 1698 et en violet celle de 1751.

Mirecourt à la Révolution


Les Mirecurtiens adhèrent immédiatement à la Révolution, mais la ville n'est pas choisie pour être le chef-lieu du département des Vosges. Elle obtient cependant le tribunal départemental, un tribunal de commerce et l'administration d'un district, puis un arrondissement dirigé par un sous-préfet. Comme dans le reste de la France, modérés et montagnards s'affrontent pour l'exercice du pouvoir et la mise en application des mesures de salut public . La ville se transforme avec la disparition des établissements conventuels et la vente des biens du clergé ; les bâtiments de la congrégation Notre Dame subsistent seuls et deviennent le siège de la gendarmerie, du collège et d'un théâtre.


Le théâtre de Mirecourt au début du XXe siècle
Carte postale, Koel, éditeur, Mirecourt, début du XXe siècle © collection particulière
Le théâtre est aménagé dans l'ancienne chapelle des soeurs de la congrégation Notre-Dame au coeur de la ville.

 

Mirecourt, XIXe et XXe siècles


Au XIXe et au début du XXe siècle, Mirecourt compte 5000 habitant et la lutherie fait sa renommée : artisans et entreprises emploient en 1906 plus de 600 luthiers en comptant Mattaincourt, Poussay et Juvaincourt . Les produits sont vendus dans toute la France et les meilleurs luthiers gagnent Paris, alors que leurs épouses font s'épanouir l'art de la dentelle . La ville connait un forte expansion vers l'ouest avec la construction de bâtiments publics, sous-préfecture, école normale, gare et collège de jeunes filles, reliés par de nouvelles rues, l'avenue de la gare, l'avenue Graillet, la rue Estivant. Les républicains, puis les radicaux dominent la vie politique et affrontent les forces conservatrices ; la presse d'information locale se bipolarise entre modérés et radicaux .

Après la Seconde Guerre mondiale, Mirecourt connaît une très forte augmentation de la population (8800 habitants en 1968) en liaison avec la création de l'hôpital psychiatrique de Ravenel. De nouveaux quartiers populaires sont créés de l'autre côté de la voie ferrée, au nord vers Poussay autour de l'usine textile, et au sud la ville rejoint Mattaincourt. Mais la lutherie industrielle en crise disparaît au début des années 1970 et « la Cotonnière », ferme ses portes en 1967. Le déclin économique de la ville se traduit aussi dans la population qui est de 5772 en 2011.


Dentellières au travail
Mirecourt, début du XXe siècle, carte postale, Koel, éditeur, Mirecourt © collection particulière



ManufactureThibouville-Lamy
Mirecourt, 1912 © Musée de Mirecourt
Le personnel est réunit devant le bâtiment qui abritait l'administration et le grand atelier, 1, avenue Graillet. Le 16 juin 1940, la manufacture est en grande partie détruite par une bombe incendiaire. Elle sera en partie reconstruite après 1945 pour fermer définitivement en juillet 1968.
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